Laurent Binet et Nicolas Le Nen, co-lauréats du prix Naissance d’une œuvre 2024
Le premier est un écrivain confirmé, le deuxième un militaire de carrière qui manie aussi volontiers la plume que le fusil d’assaut.
Face au Mont-Blanc, c’est finalement une « cordée » de deux écrivains qui a été couronnée par le prix littéraire Naissance d’une œuvre 2024. Entre Laurent Binet et Nicolas Le Nen, les jurés n’ont pas réussi à trancher et ont donc choisi deux colauréats. Le premier est un écrivain confirmé, le deuxième un militaire de carrière qui manie aussi volontiers la plume que le fusil d’assaut. L’un a écrit un roman sur les peintres de la Renaissance italienne, l’autre sur les soldats vaincus de Dien Bien Phu.
Le livre Perspective(s) de Laurent Binet (à gauche) et Armistice, de Nicolas Le Nen (à droite). Prix littéraire Naissance d’une œuvre 2024
Si les deux chemins d’écriture sont différents, Laurence Viénot – fondatrice du prix – a trouvé des croisements à ces deux traces. « À y regarder de plus près, ces deux livres ont en commun de toucher à une part majeure de la vie des hommes, a commenté celle qui prononçait le discours de remise du prix à la place du président du jury, Sylvain Fort, absent, L’art pour l’un, la guerre pour l’autre. L’un comme l’autre révèle les vraies natures, les quêtes personnelles et la part d’humanité que la vie ordinaire recouvre ».
Avec Perspective(s), son quatrième roman publié chez Grasset, Laurent Binet a signé un polar épistolaire dans la ville des Médicis, où l’obsession du pouvoir pousse à toutes les extrémités. « Au fil des 300 pages de ce vrai roman d’aventures, Laurent Binet s’amuse avec gourmandise et jubile, jongle avec le lecteur, redonne de la couleur à de vieilles références artistiques ou historiques » écrivait Thierry Clermont dans le Figaro Littéraire à la sortie du livre. Poursuivant : « variant les registres du répertoire baroque, Binet passe ainsi allègrement du madrigal à l’oratorio, de la «follia» pour violon endiablé au concerto grosso. C’est bien vu et c’est bien mené, à la baguette, à sa manière ».
Chasseur alpin, ancien patron du Service action de la DGSE et vétéran des combats d’Afghanistan, le général Nicolas Le Nen a pourtant choisi la guerre d’Indochine comme toile de fond de son livre. Dans ce beau roman choral, publié aux Editions du Rocher, l’officier fouille l’âme de trois soldats en marche vers la captivité après la chute de Dien Bien Phu, le 7 mai 1954. Un jeune lieutenant idéaliste qui a la mort de ses hommes sur la conscience, un légionnaire allemand engagé sur une pente morbide et un fils de paysans du Limousin qui a déserté, tous cherchent à leur manière à se racheter vis-à-vis des autres et surtout d’eux-mêmes. Le roman a pour titre « Armistice », mais il s’agit d’une négociation qui se joue au cœur de l’homme lui-même et non entre armées. C’est un armistice avec leur conscience que tentent de conclure ses personnages.
Le prix Naissance d’une œuvre, dont c’est la troisième édition, récompense un 4e, un 5e ou un 6e roman. « Ce prix a une singularité dans le paysage littéraire car il ne couronne pas un roman isolé mais a pour ambition d’accompagner la construction d’une œuvre romanesque » explique Laurence Viénot, cette boulimique de livres qui anime aussi un salon littéraire parisien. Ce prix a pour but d’aider un auteur à passer un cap parfois difficile dans son parcours, quand la fièvre des commencements est passée et qu’il faut tenir sur la durée. Le jury est composé de lecteurs indépendants comme Claudine Ripert-Landler, ancienne conseillère à l’Elysée, Catriona Seth, titulaire de la chaire de littérature française à Oxford, Michèle Gazier, ancienne critique littéraire et écrivaine ou encore Patrice Hoffmann, ancien directeur littéraire de Flammarion.
Le soutien aux auteurs est solide avec, au-delà de la reconnaissance, une dotation de 20.000 euros. Avec son associé Ingmar Vallano, Vincent Gombault, gestionnaire de fonds d’investissement installé désormais au Royaume-Uni, est le co-mécène du prix. Ce dernier est heureux que ce prix soit remis dans ses montagnes, à l’Armancette, au centre du village de Saint-Nicolas de Véroce qui offre un somptueux balcon sur le plus haut sommet d’Europe.
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