Laurent Seyer, ancien banquier devenu écrivain à 54 ans, vient de remporter le prix « Naissance d’une œuvre » pour son quatrième roman « J’ai pas les mots » à St Nicolas de Véroce. Un récit émouvant qui donne voix à un adolescent atteint d’un lourd handicap mental.
Laurent Seyer, après une carrière de trente ans dans la finance, a choisi d’embrasser son rêve d’adolescent : devenir écrivain. C’est à 54 ans qu’il publie son premier roman, suivi par trois autres dont le dernier vient d’être récompensé par le prix littéraire savoyard « Naissance d’une œuvre ». Ce prix lui a été remis la semaine dernière à Saint-Nicolas de Véros par Nicolas de Tavernost, président du jury.
Son dernier roman, « J’ai pas les mots », publié aux éditions Finitude, raconte l’histoire de Jérémy, un jeune garçon de 17 ans atteint d’un handicap mental lourd. Silencieux, il ne parle jamais, mais l’auteur lui invente un langage intérieur unique. « C’est quelqu’un qui n’a pas la parole, qui ne peut pas s’exprimer, mais qui comprend beaucoup plus que ce qu’on pense », explique Laurent Seyer. Cette idée lui est venue grâce à une rencontre avec le fils d’un ami, qui lui a inspiré le personnage de Jérémy.
Une démarche rigoureuse pour respecter le handicap mental
Aborder un sujet aussi délicat que le handicap mental nécessitait pour Laurent beaucoup de prudence et d’humilité. « C’était plus qu’une vigilance, c’était une appréhension, une crainte », confie-t-il. Ne faisant pas partie des proches du jeune homme, il a voulu être certain de représenter ce monde avec justesse.
Pour cela, il s’est entouré : « J’ai passé beaucoup de temps avec cette personne et son père, puis j’ai lu, regardé des documentaires, et rencontré des professionnels – psychiatres, neurologues, éducatrices ». Cette approche lui a permis de nourrir son roman d’une réalité respectueuse et crédible.
Selon lui, « Jérémy comprend à sa manière, même s’il ne peut pas s’exprimer. Il faut essayer de l’écouter et de l’entendre. »
Inventer une langue pour faire parler l’inaudible
Le défi majeur était de créer un langage intérieur à Jérémy, une voix singulière jamais entendue, mais crédible. Pour ce faire, Laurent Seyer s’est plongé dans la littérature, étudiant Rabelais, Faulkner ou Romain Gary, et s’est inspiré des mots d’enfants, notamment ceux de ses propres enfants.
« J’ai tordu les mots, rassemblé des expressions, puis ruminé tout ça jusqu’à trouver la bonne tonalité », raconte-t-il. Cette voix littéraire permet au lecteur de rencontrer Jérémy de l’intérieur et crée une émotion puissante.

« J’ai pas les mots » de Laurent Seyer, éditions Finitude

Remise du prix « Naissance d’une oeuvre » à Laurent Seyer, par Nicolas de Tavernost, à St Nicolas de Véroce – @Atelier Boris Molinier-Lou Broche
Par Sylvia Depierre